« Jeanne ne parle pas, elle ne marche pas et elle est gavée. Jeanne fait des crises d'épilepsie tous les jours. Une chance que j'avais passé tout ça je ne sais pas si je m'en serais remis. Je ne pense pas parce que tu sais quand je vais te le dire comment moi je l'ai vécu. Quand tu es parent d'enfant malade, c'est horrible. Mais quand tu es grands-parents, tu as une souffrance d'avoir un petit enfant malade, mais tu as la souffrance de voir ton enfant vivre l'enfer et tu ne peux rien faire.
Je ne pouvais pas dire à Éric mon gars que ça va aller mieux. Ce n'est pas vrai. Ça n'ira pas mieux. Ça va être de plus en plus difficile parce qu'elle va grandir et elle va grossir. Elle va devenir pesante et elle va demander plus de soins. Tu vas être de plus en plus fatigué. Mais tu ne peux pas dire ça. Fait que tu es comme le filet de protection. Tu attends que les parents tombent et quand ils tombent, tu prends un répit et là tu montes au bat. Puis là, toi tu viens brûler beaucoup plus vite parce que tu es plus vieux. Là tu lâches le filet et les parents reviennent un peu. C'est tout le temps de même encore aujourd'hui. Bien sûr, ça va être de même tout le temps.
J'étais une personne qui avait de l'empathie, mais pas à ce point-là. Jeanne m'a ouvert un monde. Comment je pourrais dire quand tu côtoies ces enfants-là, puis que tu l'as dans ta vie, tu fais pas juste les côtoyer comme ça là. Tu ne peux pas ne pas rien faire. Je ne serais pas bien de me refermer juste sur les besoins de Jeanne pis dire « Bon là, on donne tout pour notre petite Jeanne on entoure Jeanne » mais Jeanne, elle n'est pas toute seule.
Jeanne, elle m'a montré toutes les autres. Puis là, tu en vois. Toutes sortes de maladies et toutes sortes de parents brûlés. C'est beaucoup de monoparentaux et là, tu écoutes les histoires d'horreurs de tout le monde. »