« Au départ, je devais aller apprendre l'allemand et le français en Suisse. La culture, c'était très important pour ma mère. Le jour de mon anniversaire, j'ai reçu deux lettres: celle de ma marraine en Suisse et celle de ma jeune soeur, qui vivait à Laval, et qui était enceinte de son quatrième enfant. Je me suis demandé ce que je devais faire... J'ai montré les lettres à mon père. Il ne voulait pas que je parte, car il avait besoin de moi. Alors le soir, les yeux fermés, j'ai glissé les lettres sous mon oreiller. Je me suis dit que la première qui toucherait ma joue au réveil déterminerait ma destinée. C'est comme ça que j'ai pris la décision de venir au Québec. J'en ai parlé à ma mère, qui n'était pas d'accord, mais elle a fini par dire à mon père qu'il valait mieux qu'il aille signer les papiers pour que je puisse partir — puisque j'étais mineure —, sinon ils briseraient peut-être mon avenir. Ç'a été un moment difficile. J'ai préparé ma petite valise... (Soeur Angèle s'arrête, émue.) Ma mère s'est mise à pleurer. J'ai quitté la maison à 17 h et je l'ai entendue crier, du haut du vignoble, qu'elle n'allait plus jamais me revoir... C'est terrible... Je suis partie, seule »